Dans un appartement de Strawberry Street, un jeune homme est assis à son bureau. En peignoir, sortant tout juste de sa douche, il griffonnait des choses sur un cahier, le remplissant au fur et à mesure de schéma légendé et de ratures. Il s’acharnait à trouver une réponse à son problème sans pour autant s’en rapprocher ne serait-ce qu’un peu. Très vite, il referma le cahier qu’il venait de remplir et le jeta rageusement au sol. Il ouvrit alors un tiroir et en sortit un neuf puis recommença à écrire dedans.

Wind se battait contre lui-même depuis des heures sans pour autant aboutir. Son idée était simple, mais parfois les systèmes qui semblent les plus triviaux sont en fait extrêmement compliqué à créer. Au bout de quelque temps, il lança son stylo contre le mur en poussant une sorte de grognement et se frotta les cheveux comme pour en chasser les mauvaises idées. Il se poussa au bout de sa chaise de bureau tout en réfléchissant à sa vie. Quelques secondes plus tard, il se leva et décida d’aller faire un tour dans la ville pour ne pas finir dépressif.

Après avoir ramassé son stylo, il se plaça face à son miroir. Il mit la capuche de son peignoir et en regardant son reflet, il se dit que l’on aurait pu croire à un mage noir extrêmement dangereux. Il se lança un regard menaçant, et devant la piteuse tentative de sembler méchant, il en rit aux éclats. Wind se demandait, parfois, s’il était le seul à avoir des réflexions comme ça, chaque fois qu’il posait la question à quelqu’un, il lui disait que non, mais peut-être avaient-ils honte ? Lui, non, il était qu’il était, ce n’était pas son genre de ne pas se montrer sous son vrai jour.

Il choisit un jean noir avec un t-shirt blanc avec, marqué en capital rouge : « UN GÉNIE HEURE ». Lorsqu’il l’avait vu, il avait tout de suite rigolé dans la boutique bien que le jeu de mots soit de très mauvais goûts. Wind mit son stylo dans la poche arrière de son jean, vérifia deux fois qu’il avait bien son carnet et son argent, puis il s’élança vers l’entrée de son appartement. Il ferma à double tour, commença à partir, revérifia que la porte était fermée, repartit et retourna une dernière fois dans son appartement pour vérifier que toutes les lumières étaient éteintes. Non sans se dire qu’il devrait un système d’allumage automatique, il sortit dans la rue.

La plupart des gens n’aimaient pas se balader dans des rues de grande ville. Ils trouvaient que tout le monde faisait la tête et que personne n’accordait son attention aux autres, qu’ils étaient centrés sur eux-mêmes. Mais Wind n’était pas de cet avis. À chaque fois qu’il sortait dans la rue, il voyait le bonheur dans beaucoup d’endroits, il suffisait d’ouvrir ses yeux. Le jeune homme adorait se promener, cela lui permettait d’exploiter sa créativité.

Cet homme qui vient de le dépasser en courant regardait avec attention sa montre. Allait-il à un rendez-vous galant ? En costume, bien rasé, il avait paru plus gêné que stressé, aurait cru Wind. Venait-il de rater l’occasion de rencontrer la femme de sa vie ? Ou bien celle-ci était aussi en retard, courant de l’autre côté de la ville, craignant que son ami l’attende trop longtemps. Imaginer la vie des personnes dans la rue, leur destination, leurs convictions, tout cela passionnait le jeune homme. Alors qu’il regardait cet homme le dépasser, il percuta une jeune femme et lui fit tomber ses courses. Gêné, il s’excusa de nombreuses fois tout en l’aidant à ramasser ses affaires. Le sourire de la jeune femme, plein de bonheur et de promesses d’un bel avenir fini bel et bien de chasser ses idées noires. Le monde était en réalité d’une beauté inouïe si l’on prenait le temps de l’observer.

Il sortit alors un calepin et commença à noter des tas de réflexions qui se déroulaient dans son esprit. Ce rituel lui permettait d’être serein, de poser à plat toutes ses idées, tout comme lui avait appris à faire son père. Il s’assit finalement sur un banc avant de continuer à observer les gens qui circulaient dans la rue. C’est alors qu’une image le frappa. Il crut voir quelqu’un qui possédait un petit carnet et qui griffonnait des choses dedans, tout en se baladant dans la rue. Wind étant presque certain d’être le seul à n’avoir jamais fait ça, il se leva et essaya de trouver cette personne.

Slalomant parmi les passants, il arriva finalement à repérer la silhouette qu’il avait aperçue. Sous une capuche, on pouvait deviner une forme humaine qui écrivait des choses dans un carnet. Sans vraiment se demander s’il allait déranger, il alla à la rencontre de cette personne. Souvent, ses jambes le poussaient à faire des choses pareilles. La plupart du temps, il tombait sur des gens qui le prenaient pour un fou, mais de temps en temps, certains étaient passionnés par les réflexions du jeune homme et commençait alors une discussion sur le sujet en cause, que cela concerne les horaires du train ou bien la queue à la supérette.

« Incroyable ! Quelqu’un qui note tout sur un petit carnet ! Vous être Ingénieur vous aussi ? » dit alors le jeune homme plein de l’espoir de trouver quelqu’un qui lui ressemble.