Les paupières lourdes, l'esprit lent, le corps paralysé, le cuir chevelu ensanglanté, Ude ne voyait rien, c'était le noir total. La seule chose qu'il savait, c'était qu'il était enchaîné, les bras tirés vers le haut, et qu'on lui avait arraché ses vêtements, du moins le haut, puisqu'il sentait une douce brise glaciale lui embrasser le dos. Son ouïe était brouillée par le traumatisme qu'il avait subi, mais il distinguait des bruits de pas, au plus grand malheur de son crâne qui réagissait à chaque écho qui traversait le couloir.

La porte s'ouvrit avec un grincement qui crispa le visage du mage du Conseil Magique. Le voile se leva sur son visage, nulle lumière ne l'aveugla puisque la lumière ne passait que par une meurtrière qui ne laisserait qu'à peine passer la pointe d'une flèche. Mais ses yeux lui dévoilèrent un spectacle bien étrange. Là, se tenait un petit homme potelé à la moustache fine, dont les jambes paraissaient minuscules en comparaison à son ventre, il portait un habit fantasque rouge, dont la dentelle cachait son cou et des mains. Son costume était orné de dizaines de poches dont les mouvements faisaient cliqueter des pièces dont le riche possesseur aimait garder en sécurité. Son passe-temps favori devait être de faire résonner ce son puisque même immobile, il faisait des va-et-vient avec son buste pour de nouveau faire chanter la douce mélodie de l'or. À ses côtés, un grand homme à la coiffure soignée se dressait fièrement, son œil à moitié couvert par un masque qui semblait être en cuivre par sa couleur bronze et son aspect métallique. Il portait d'élégants habits blancs, contrastant avec son compagnon, et portait fièrement sa tenue d'apparat. Il regardait sans arrêt une montre qui pendait à sa poche de veston, sans doute un trouble qui devait plus le déranger qu'autre chose.

« Où ... Où suis-je ? » demanda Ude d'une voix éteinte.

Sa question n'eut écho que par un coup de canne au visage.

« C'est moi qui pose les questions ici ! Sais-tu qui je suis ? Non, évidemment ! Je suis Robert Alatrierre, un riche exportateur de marchandise, apportant prospérité à notre cher roi ! Et donc, sais-tu pourquoi tu es ici ? » répliqua le freluquet farfelu de son ton le plus criard.

Un hématome s'était formé sur sa pommette qui bleuissait.

« Le sifflement du vent et la température m'indiquent que nous sommes situés dans le Nord de Fiore, étant donné la saison que nous traversons...» continua le captif, ignorant totalement son vis-à-vis.

Une deuxième rouste frappa l'autre joue d'Ude qui laissa s'échapper un crachat de sang. Le tortionnaire semblait essoufflé d'exercer sa colère, son souffle court et les gouttes de sueur qui trônaient au sommet de son front indiquait son état de fatigue. Le second homme regardait la scène sans dire un mot, il restait passif face à la scène.

« Continue ... *halète*... à m'ignorer ... *halète*... et c'est ta copine qui prendra ! ... *halète*» reprit Alatierre.

Cette remarque eut le même effet qu'un coup de fouet sur Ude. Ses yeux s'ouvrirent et sa tête se redressa, tout ses muscles se tendirent, son regard vide laissait la place à un regard haineux. L'enchaîné tirait de toute ses forces sur les chaînes qui le maintenait hors d'atteinte du petit personnage bouffi.

« Où est-elle ?! Dîtes-le moi ! Je vous promet que si vous lui avez touché le moindre de ses cheveux, je vous ferais subir un supplice bien pire que la mort !» menaça le jeune homme.

« Eh bien ? On dirait que ma remarque t'as fait sortir de ta surdité ! » répliquait-il en riant ironiquement. « Ne t'inquiète pas, on réserve également une punition que la Faucheuse elle-même fuirait ! Mais pour l'instant, ce serait plutôt ton cas qui m'intéresse ! »

Ude continuait son effort pour briser les chaînes, en vain, mais Alletierre en profita pour couper le souffle du jeune homme d'un coup de bâton au diaphragme. Il relâcha sa prise, tentant de reprendre sa respiration, toussant, crachant, mais rien aucun air ne sortait. Le tortionnaire s'acharna sur l'abdomen du Grim Reaper, ne le laissant reprendre sa respiration. Le jeune homme manqua à plusieurs reprises de défaillir, le manque d'oxygène l'agressait plus que les assauts répétés du snob qui jouissait de sa douleur au rythme des cliquetis des innombrables poches emplis de pièces.

Lorsque Alletierre en eu fini de s'amuser, il stoppa ses attaques, laissant Ude reprendre son souffle comme il le pouvait. Sa vision était alors trouble, son jugement des distances et ses pensées ne s'éclaircissaient plus. Ude cracha de nouveau du sang, il avait du être touché à un organe interne et allait peut-être mourir d'ici quelques minutes, il ne le savait pas, mais sa souffrance était réelle. De son côté, l'acharné se remettait de ses émotions et semblait bien sur de lui, un bourreau tel que lui ne devait pas apprécier que sa cible ne meurt trop vite, il savait que ses jours n'étaient pas encore en danger. D'un geste, il ordonna au spectateur de la scène de le détacher, ce qu'il fit, avant de ne lui relier les mains avec de nouvelles menottes, qui serraient d'avantage les poignets que les précédents liens.

On l'avait mené à une sorte de balcon qui surplombait un damier disproportionné. En face, on pouvait apercevoir un second balcon, similaire au premier, placé juste là pour admirer le plateau de jeu géant. Quelqu'un s'était assis sur le second, Ude n'avait toujours pas parfaitement recouvré sa vue, mais il voyait ce qui était sans doute un homme à la longue chevelure mêlant mèches blondes et poils grisonnants, son visage n'était pas visible, une tâche blanche le remplaçait, peut-être avait-il mis un masque pour dissimuler son identité ? Pourquoi se cachait-il ? Le jeune homme aurait pu s'en soucier si le peu d'esprit qu'il lui restait ne se focalisait pas sur sa dulcinée.

On fit s'asseoir sur une chaise qui ressemblait d'avantage à un trône qu'à un simple fauteuil, de là, il voyait l'intégralité de l'échiquier. Des tapes de main retentirent dans la salle, l'homme au visage blanc s'était levé et semblait préparer un discours. Ses habits étaient eux aussi d'un blanc éclatant, sa posture théâtrale laissait penser que son extravagance n'avait d'égale que par sa classe.

« Bieeeeeenvenue dans mon château de campagne ! Aaaaavez-vous apprécié le voyage ? N'était-il pas trop ... brusque pour vous ? » commença-t'il d'une voix hautaine. « Je vous ai fait quérir ici pour une simple raaaaison ! Il est racooooonté en capitale que vous êtes un expert stratège, et que l'échiiiiiiquier était votre domaine. On m'a aussi cooooonté votre incroooooooyable sens de la Juuuuustice ! Peeeermettez-moi de vous faire proooofiter de toutes ces coooompétence en ce lieu !» finit-il.

Sa voix, son discours ironique, son tic de parole le forçant à rallonger certaines syllabes, son aspect trop extravagant, tout en cet inconnu insupportait Ude, qui essayait de se concentrer pour détailler plus finement son interlocuteur. L'homme sans visage s'impatientait, il claquait nerveusement des doigts et poussait des soupirs accompagnés d'un bruit peu masculin en attendant une réaction du captif. Après quelques secondes de silence, il reprit activité en tapant de nouveau des mains, qu'il avait levé. À ce son, on fit entrer des dizaines de personnes en bas, sur le sol quadrillé, ils étaient trente-deux précisément. D'un côté, ils avaient étés fagotés d'un sac à patate noir, de l'autre côté aussi, mais ils représentaient la couleur blanche ! Leurs accoutrements ainsi que leur nombre les indiquaient pour être les pièces d'une partie d'échec bien particulière. Ude l'avait deviné, malgré son handicap. L'homme en blanc écarta les bras, désignant ainsi les nouveaux arrivants.

« Coooooomme tu peux le voir, les pièces se placent sur l'échiiiiiiquier, et tu seras leur commaaaaaandant. De mon côté, je prendrais les blaaaancs. Les rèèèèègles du jeu sont siiiiimples, si une pièèèèèce se fait preeeeendre, la personne moooourra dans d'atroces soooooouffrances ! Les suuuuurvivants partiront, les aaaaautres trépasseront ! » expliqua le masqué.

Les prisonniers étaient guidés vers les cases par des menaces d'hommes armés. Après qu'ils soient plus ordonnés, Ude reconnu sa tendre Sei à la place de la reine. Le sarcasme de ce fou ne se limitait visiblement pas qu'à ses paroles... ses actes aussi prouvaient quelle impitoyable personne il était. Tout avait été préparé, il ne fallait plus que les blancs engagent la partie. Le premier mouvement était invisible pour Ude, il ne voyait plus rien de nouveau, sa haine l'aveuglait. Il ne regardait plus que le masque rieur de son opposant, cet événement lui avait recouvré les esprits. Il tenta de briser ses chaînes grâce à l'énergie de son bras, mais rien n'y fit, quelque chose annulait tout pouvoir magique, il ne savait pas si c'était ses liens, un autre mage ou encore des lacrimas qui le contrôlait ainsi, mais il devait s'en débarrasser. Alors qu'il méditait dessus, un gong retentit.

« Ton tour est passé, à moi de jouer !» dit l'homme masqué.

Ude pouvait voir à travers la surface son sourire narquois signifiant d'une onomatopée moqueuse qu'il avait oublié de citer la règle du temps imparti. Alors que l'homme en blanc faisait avancer son deuxième pion, Ude compris qu'il ne pouvais pas déroger à la règle et se plier à son jeu mortel. Il ordonna ainsi à l'un de ses pions d'avancer. Le premier sang coula à la rencontre des premiers pions, la scène se trouva être bien plus odieuse que l'archer ne le pensait. Au contact entre les deux personnes, la pièce perdante fut frappée d'un éclair, puis, en un instant, son corps gonfla en des centaines de difformités pour finalement exploser en un tas de lambeaux de chair. La panique pris les pions, cette peur se voyait sur leur visage, mais leur corps n'allait à l'encontre de leur volonté et restait figé. Même en l'observant de dos, il pouvait ressentir l'effroi de sa compagne. Cela déstabilisa Ude, savoir qu'avec une simple erreur, la moitié de sa vie serait emportée en un tas de chairs méconnaissable. La peur s'empara de lui, une boule le gênait dans son ventre, il paniquait, ne pouvait plus réfléchir, pensa à des stratégies pour la maintenir en sécurité. Il avait perdu le peu de jugement qui lui restait. L'acharnement psychologique qu'on lui avait fait faisait effet. Après la maltraitance de ses sens avec le tabassage, et la séance "d'apnée", et, à présent, la participation de ce jeu de son amour, il ne pouvait plus se projeter comme il fallait dans cette partie. Ses coups ne servaient qu'à mettre de plus en plus en sécurité Sei, il ne remarquait pas les sacrifices qu'il faisait pour, le massacre était affreux.

Après trente minutes d'une partie sur la défensive, et des litres de sang coulés dans les gouttières de l'arène, une scène qui lui semblait bien familière s'offrait à ses yeux, il lui restait trois pièces hors-mises le roi alors que son adversaire en avait encore quatre, sans compter non plus le roi. Il lui restait sa reine, un pion et un cavalier, alors que son adversaire avait réussi à sauver ses deux tours et deux pions. Cette situation lui rappela un aspect des échecs qu'il a toujours prôné, et un autre qu'il a toujours renié, deux aspects qu'il avait inversés pour cette partie. Il jouait sur la défensive, lui qui prenait toujours un malin plaisir à apprendre à ceux qui préféraient protéger leur roi que d'attaquer. Ainsi, il reprit ses esprits et observa le champ de bataille. Selon ses calculs, il lui restait trois solutions avec un taux supérieur à soixante pour-cent de victoire. Comme s'il voulait affronter le destin, il se décida à faire entrer en scène Sei, il avait confiance en elle et il savait qu'elle aussi lui confirait sa vie. En ce mouvement, il fit abattre l'une des tours par Sei, qui se retrouvait hors d'atteinte de l'autre tour, mais aussi des pions. Cette attaque surprit l'hôte qui grinça des dents, il ne pensait pas qu'il prendrait raison dans cette partie. L'homme au masque mit en position sa dernière tour pour prendre le dernier pion noir. Grave erreur, puisque cela laissait l'espace libre à la reine pour mettre en échec et mat le roi blanc.

« J'aaaaadmet ma défaite... Malheureusement pour toi, je ne suuuuuis pas quelqu'un d'hoooooonnête ! » dit l'homme en blanc.

Sur un claquement de doigt, le geôlier d'Ude usa de sa force pour assommer le prisonnier.

Une nouvelle fois, Ude se retrouvait dans cette inconfortable position, sa blessure avait été rouverte par le coup de l'homme aux cheveux bleus. Mais, cette fois-ci, il y avait quelque chose différent ... sa position était la même, toujours cette réaction au bruit ... Son odorat lui révéla ce qui avait changé, une forte odeur de sang, ainsi qu'une forte chaleur se faisait ressentir. Il ouvrit finalement les yeux, bien que l'un des deux ne le pouvait plus que partiellement. Sa condition de prisonnier ne s'était pas arrangée, et il fallait bien dire que sa vision ne l'enchantait guère. Il était accroché à un muret en bois, tiré par deux chaînes qui le liaient aux poignets, en face de lui, se trouvait une personne inconsciente accroché à un mécanisme ressemblant à une roue en bois, il lui manquait les deux yeux qui avaient l'air d'avoir été arraché barbarement, des entailles profondes laissaient entrevoir les os de la cuisse sous plusieurs angles. Il semblait encore respirer, même s'il semblait le faire à grand-peine. À sa gauche, la scène n'était pas bien mieux, une femme était pendue par les bras, ses jambes avaient étés tranchés au trois-quarts, la blessure avait été cautérisée par le fer brûlant. La lame qui servait à ce supplice était posée sur une table en vieux bois, il s'agissait d'un hachoir d'une taille imposante, l'homme qui le maniait devait être quelqu'un de fort physiquement. Une dernière personne se trouvait en ce moment dans la salle, mais elle était toujours " intacte" mis à part une ouverture à l'arcade sourcilière. C'était Sei, elle était inconsciente et sa position ne devait pas être des plus confortable, des chaînes la tiraient vers le haut, lui liant les poings serrés l'un à l'autre, alors qu'elle peinait à poser son postérieur au sol. Au-delà des parois de la pièce, on pouvait entendre le supplice d'une autre personne à travers le verrou de la porte. Il y avait une personne qui subissait l'un des pires troubles à en juger par les gémissements et les pleures, cette jeune fille, qui ne devait pas dépasser la quinzaine d'années, se faisait abuser sexuellement. Ces cris résonnaient comme le plus horrible des sons aux oreilles d'Ude, il était là, mais il ne pouvait rien faire. L'impuissance devait être le sentiment qu'il haïssait le plus, cette volonté d'intervenir, mais toujours un obstacle vous barrera la route. Ude baissa les yeux et maudit son sort.

Lorsque les plaintes cessèrent, la porte grinça, laissant voir le tortionnaire, il s'agissait tout bonnement du maître des lieux, l'homme au masque souriant. Il n'avait toujours pas quitter sa tenue blanche, bien qu'elle ait été tachée de sang par quelque action qu'il aurait fait. Il s'approcha du Grim Reaper, voyant qu'il s'était réveillé, il se pencha vers le faciès d'Ude qu'il semblait juger. Le jeune homme pouvait enfin le regarder dans le blanc des yeux, une lueur écarlate brillait au fond de ses pupilles reflétant les litres de sang qu'il avait fait couler jusqu'alors.

« Est-ce que ma noooouvelle pièce te plait ? Ne faaaais pas attention au désooooordre, ce seeera vite nettoyé. » se moqua l'homme au masque

« Aaaaaimerais-tu savoir pourquoi tu es iiici ? Comment tu t'es reeeetrouvé dans une telle situation ? » continua-t'il, dans une pose théâtrale, la main sur le visage.

« Saaaache que le monde est pourri, jusqu'à la moelle, mes caaamarades et moi-même en soooommes le parfait exemple. Nous, les peeersonnalité les plus riiiches de Fiore, prooofitons de notre pooouvoir afin d'agir aaainsi. Noous avons été iiinformé qu'un membre du Cooonseil enquêterais sur nos aaaactivités , c'est pooourquoi nous avoooons proposé une ceeertaine somme à l'un de tes suuupérieurs pour qu'il nous révèle l'ideeentité de la peeersonne concerné, et nous avons agi. Et maintenant, tu vas suuubir le même sort que les aaaautres. » conclut-il.

Malgré sa triste posture, Ude avait finalement la réponse à beaucoup de ses questions, déjà sur l'avancement de l'enquête, mais aussi sur la raison de son enchaînement. Un sourire s'esquissa sur son visage, un moment de folie semblait apparaître, il était en fait lucide et comprenait ce qu'il lui restait à faire, il devait se libérer, soutirer des informations au rigolo qui se moquait ouvertement de lui, et ensuite l'éliminer. Il suffirait qu'il libère son bras en lacrima de son bandage, partiellement en tout cas, et surcharger ses chaînes afin de les briser. La pièce n'avait pas été faite contre les mages, il pouvait facilement user de la magie ici.

Alors qu'il méditait sur son plan, son geôlier entra dans la salle. Il traînait le corps de la jeune fille qui avait été violée quelques minutes plus tôt, une magnifique jeune fille, une blonde aux yeux océans, son visage était creusé par la crainte et le stress, malgré son inconscience. Il réalisa immédiatement que cet homme sera le principal obstacle à franchir. Il déposa la jeune fille sur une palette de bois mise en diagonale en appui sur le mur puis se rapprocha de l'un des autres prisonniers, la femme pendue par les bras, et lui flanqua une rouste. Elle se réveilla suite à cela, mais alors qu'Ude observait cette scène, l'homme au masque claqua des doigts devant sa vision, le ramenant vers son interlocuteur. Il le regarda de nouveau, mais ne l'écoutait pas, trop concentré à rompre ses chaines. Et de toute façon, ce qu'il racontait n'était guère intéressant, il fanfaronnait sur leur façon d'agir, son enfance, ou encore ce qu'il avait mangé hier soir, comme tout méchant qui se respecte, il se devait de faire une longue tirade inutile avant de passer à l'action. Mais celle-là, elle entrait dans le panthéon des tirades les moins intéressantes.

Ude entendit le bruit des chaînes se brisant, signe de départ de sa contre-offensive. D'un mouvement qui paraissait bien hasardeux, il repoussa l'homme en blanc et bondit immédiatement sur la lourde lame encore souillée du sang des victimes de cet endroit. Il ne pouvait tenir de garde, la force lui manquant pour soulever et maintenir la lame. Le geôlier avait réagi rapidement, il s'était déjà placé entre Ude et le propriétaire des lieux. Nul mot ne sortait de leur bouche, l'affrontement était imminent, pour l'instant, seul les regards se croisaient plutôt que le fer. L'homme au masque et à la voix irritante en profita pour s'enfuir, ce qui n'arrangea pas notre mage au bras de cristal. La porte claqua, ce bruit sembla rassurer le garde du donjon, on pouvait le savoir à son sourire rassuré, preuve ce sbire s'aimait à être sous les ordres d'un homme aussi affreux que lui.

Les hostilités commencèrent quelques secondes après, dès que le grand homme eut récupéré sa concentration. Il se rua sur Ude, l'épaule en avant... puis disparu, l'instant de surprise d'Ude ne dura pas assez longtemps pour comprendre ce qu'il se passait, puisque le grand gaillard réapparu une seconde après, frappant le jeune homme, envoyant le Grim Reaper dans le mur se situant cinq bons mètres derrière lui. Le choc fut violent, mais il n'eut pas le temps de s'en remettre que le genou de son adversaire se logeait dans son abdomen. Ses mouvements étaient indistincts, invisibles. Ude se retrouva à quatre pattes, crachant quelques gouttes de sang alors que le geôlier contemplait sa victime de son œil blanchi par les dessins de son masque. Il le renversa du pied, Ude était vraiment en mauvaise posture, son état n'était pas encourageant avant ces "échanges", mais là, il était vraiment mal en point. Son assaillant semblait charger son corps d'une énergie bien étrange, une aura verte apparaissait autour de lui sous la forme d'une brume colorée. L'œil caché par son masque fut dévoilé, sa pupille était artificielle, et formait un cercle magique de la même teinte que son énergie. L'acculé savait que son sort était scellé s'il n'esquivait pas la prochaine attaque, il saisit la lourde lame qu'il avait lâchée après le choc et tenta de trancher une partie de son corps, n'importe laquelle ferait l'affaire tant que ça lui permettrait de s'y remettre. Après s'être difficilement remis sur pied, même s'il avait gardé genoux au sol, il vit que son attaque avait atteint les cotes de sa cible, mais il ne s'en souciait guère malgré la profonde entaille séparant deux de ses côtes. En voyant ça, Ude eut une révélation, son adversaire n'était autre que l'assassin classé rang A dans les fichiers du Conseil, Undead. Cet assassin mage était réputé pour survivre à n'importe quel assaut, chaque personne ayant voulu l'interpeller s'était retrouvée face à ce problème. De plus, sa magie le permettait d'étrangement disparaître, couplé à sa force de frappe, cela faisait énormément de dégât. Son attitude en tant que criminel ne collait absolument pas avec son style vestimentaire plus gracieux. En effet, cet éternel s'aimait à torturer ses victimes avant de ne les achever, le démembrement par étirement étant sa pratique favorite. Maintenant qu'il savait tout ça, et grâce à ses observations du premier assaut, il pouvait à présent tenter de parer les futures attaques du dénommé Undead. Enfin, il allait plutôt tenter, sa force de frappe était bien supérieure à ce que pouvait encaisser la garde du jeune homme. Même en prévoyant sa trajectoire, les assauts faisaient reculer Ude, l'acculant de plus en plus. Il fallait qu'il brise sa charge, trouver un instant, un mauvais appui pour contre-attaquer. Lassé, Undead changea son rythme et ses angles d'attaques, usant de sa magie pour apparaître et disparaître sur les différents flancs d'Ude. Son énergie avait décuplé d'intensité. Sur une frappe, l'immortel projeta notre justicier contre un mur, un son distinct d'os se brisant se fit entendre à l'épaule gauche au moment du choc. La douleur était insoutenable, mais il devait garder sa concentration sur son adversaire, qui ne le laisserait pas se reposer.

Finalement, Undead se décida à en finir. Il prit une posture courbée, les poings relevés au torse et concentra son énergie qui commencer à tournoyer, créant une tornade brumeuse dont l'œil était son poing droit. Un rire naquit pendant cette concentration, comme s'il était sur le point d'achever une des plus grandes œuvres de sa vie. Il gonfla tout ses muscles, sa masse s'enfonçait dans un sol dallé qui se fissurait sous cette force. Mais lorsque son regard s'embrasait d'une détermination à tuer, un écho de voix le perturba... c'était un chant, les paroles n'étaient pas du dialecte local, la voix était claire et cristalline. Sei chantait. Ude reconnut cet air mélodieux, et pourtant si traître. Et l'éternel comprit pourquoi lorsqu'il amorça sa charge, sa jambe droite ne répondit pas, mais son bras gauche si. Il trébucha à cet essai, balançant quelques jurons disgracieux qu'il ne vaut mieux pas que retransmettre. L'homme au bras de cristal réagit immédiatement à cette opportunité donnée par son tandem qui venait de sortir d'un sommeil forcé. Il empoigna de son bras-lacrima, son seul valide, la garde du hachoir qui servait le tortionnaire à pratiquer son passe-temps favori. Il avança vers l'homme surnommé Undead, traînassant la lourde lame, la faisant grincer contre les carreaux usés du carrelage, puis jugea du regard le criminel, qui avait perdu toute sa confiance face à sa confusion, il hurlait de rage, insultait tout ce à quoi il pensait et tout ce qui pouvait exister ou pas. Rassemblant tout ses dernières forces dans un dernier cri, Ude souleva l'épée - qui avait pris une teinte bleutée - et l'abattit sur le célèbre Undead, le tranchant de l'épaule jusqu'au bas-ventre. Il n'était pas réputé comme étant le criminel le plus dangereux par sa force, mais par sa vitalité, et il fallait régler ce problème immédiatement avant qu'il ne retrouve parfaite mobilité.

Avant cela, Ude lâcha son épée et se rua vers Sei pour la libérer de ses liens. Puis il l'enlaça, aussi fort qu'il le pouvait. Il se mit à pleurer, goûtant de nouveau au doux parfum de sa bien-aimée.

« J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé - J'suis désolé ... » répéta-t'il incessamment, sans pouvoir stopper ses larmes, se sentant coupable de tout ce qui lui était arrivé.

Sei ne le rassura que par des caresses sur la tête, des mots auraient été inutiles dans ces circonstances. Lorsqu'il fut calmé, Sei embrassa avec une douceur infinie son amour.

« Une nouvelle fois, tu m'as sauvé la vie ... Que serais-je sans toi ? » repris-t'il, de nouveau le sourire au visage.

« Mort sans doute. » répondit Sei avec humour, la voix semi éteinte.

Des toux ensanglantées coupèrent les deux tourtereaux, les rappelant à leur mission principale. Ude devait briser totalement la mobilité de l'immortel pour pouvoir l'emmener jusqu'à Crocus afin qu'il y soit jugé et condamné. Le jeune homme scia donc chaque membre du criminel, trop faible pour de nouveau soulever la lourde lame qui l'avait mis dans cet état. Par son état et le manque de mains, Ude se résolu à laisser ici les deux victimes des vices des hauts-membres du pays. L'un deux avait rendu l'âme durant le combat tandis que l'autre n'avait plus conscience de l'endroit où elle se trouvait et ce qu'il se passait. Sei décida tout de même d'emmener la jeune fille violée qui pouvait encore marcher de ses propres moyens, même si cela était avec grand-peine.

Nul ne disait mot, alors qu'ils quittèrent ce lugubre endroit, s'enfonçant dans l'épaisse couche de neige de la région.