Raziel était affalé sur le canapé en cuir brun de son bureau, il somnolait en cette journée d’automne. Ellana, quant à elle, était occupée avec de la paperasse, même si le président du Conseil était un homme d’action. La bureaucratie avait encore la main mise sur le Conseil Magique.

— Vous pouvez m’expliquer, pourquoi c’est moi qui dois faire ça ? Demanda l’Orchidée.
— Parce que ça m’emmerde de la faire. Dit simplement Damoclès, l’œil mi-clos. Et comme tu es mon bras droit, tu dois faire tout ce qui me fait chier.
— Donc vous me refilez le sale boulot ?
— C’est ça.

Ellana ouvrit la bouche pour continuer leur joute verbale, mais elle fut interrompue, car on frappait à la porte.

— Ouais, entrez ! Lança Raziel qui ne bougea pas d’un iota.

La poignée tourna et la porte s’ouvrit sur une femme de taille moyenne, aux formes généreuses et aux longs cheveux bleus lui descendant jusqu’aux hanches. Elle était habillée avec un uniforme blanc aux manches noirs, des cuissardes dans les mêmes couleurs, une casquette blanche et un foulard noir. Ellana se leva de sa chaise et la salua.

— Salut Lilith. Fit Raziel en s’assaillant correctement.
— Salut Raz’ et repos Ellana. Désolé pour le comportement de ton chef, il a toujours été faignant avec les papiers.
— Ce n’est rien, j’ai l’habitude. Dit la jeune femme en souriant. Ce n’est pas la première fois et encore moins la dernière.
— Euh ... Je suis là, vous savez ? Lança Raziel.
— Oui, on sait. Dit Lilith en regardant dans l’œil Raziel un petit sourire en coin avant de revenir sur Ellana. Tu pourrais nous laisser ?
— Oui, madame. Répondit la jeune femme avant de quitter la pièce.
— Alors, que me vaut ta visite ? Ce n’est pas juste pour me dire bonjour. Demanda Damoclès.
— Mon père m’a parlé de votre balade dans la montagne. Dit Lilith en levant sa main droite, montrant une bague sertie d’un saphir avec une gravure d’ours.
— À ouais, toi aussi t’es là-dedans. T’es venue pour me souhaiter la bienvenue ? Il est où mon cadeau, alors ?
— Tu voulais qu’on te fasse une fête avec des gâteaux et à boire, pendant qu’on y est ?
— Ouais, je commence à avoir faim en plus. Répliqua Raziel, un petit sourire amusé sur les lèvres.

Lilith donna une petite pichenette sur le front du Balafré.

— T’as fini de raconter des conneries ? Je suis là pour t’aider à maitriser la magie de création.
— Après avoir eu comme maitre le père, voilà que c’est la fille qui va m’entrainer !
— Si tu ne veux pas de mon aide, je m’en vais et tu te débrouilles tout seul Raz’ !
— Ok, Lili. Entre ne rien faire et s’entrainer. Je choisis la seconde option. On va sur un terrain d’entrainement ?

Lilith acquiesça et ils sortirent du bâtiment des Grim Reaper pour se diriger vers leur destination. Comme le Conseil était en préparation pour reprendre Era, tous les terrains étaient pris. Enfin, pas tous. Il en restait un seul avec des traces noircies d’un ancien combat et au sol accidenté. En bref, un terrain d’entrainement tout pourri, mais pour ce qu’ils allaient faire, c’était suffisant. Seulement, leur tranquillité fut de courte durée. En voyant deux hauts gradés du Conseil ici, les personnes présentes s’attroupèrent tout autour, prêtes à voir le spectacle que Lilith et Raziel pourraient leur offrir.

— Dégagez là, les troufions ! Ce n’est pas en regardant les autres que vous allez devenir plus puissant. Alors, sortez-vous les doigts du cul et entrainez-vous ! Lança Damoclès à la foule.

L’attroupement se dissipa rapidement de peur des représailles que le Balafré pourrait leur faire subir.

— Tu fais toujours autant peur aux nouvelles recrues. Remarqua la jeune femme.
— Faut qu’ils comprennent que je ne suis pas là pour être leur pote. Bon, on commence ? S’impatienta Raziel.
— Ouais. Dit Lilith en frappant dans ses mains. Bon, on va commencer par une chose simple. De petites sphères qui seront tout autour de toi.
— Et en quoi ça va m’aider en quoi de faire ça ? Demanda Raziel dubitatif.
— C’est une base comme une autre. Soupira la jeune femme. Je te fais faire des choses simples, c’est pour que tu comprennes comment la magie de création fonctionne. Maintenant, ferme l’œil et imagine ces sphères autour de toi avant de lancer ta magie.

Le Balafré toujours sceptique, ferma l’œil et se concentra. Il imagina donc ces petites boules de magie tout autour de Lilith et lui-même. Une fois que les sphères étaient stables dans son esprit, Raziel, avec l’œil toujours clos, leva la main gauche et insuffla de la magie au bout de ces doigts.

— Bien, tu n’es pas si mauvais que ça au dirait ! Dit ma jeune femme.

Damoclès rouvrit l’œil et découvrit que les sphères qu’il avait imaginées étaient tout autour de lui, comme dans son esprit.

— Ce n’est pas si compliqué que ça en fait ! Lança Raziel content du résultat.
— Attends, c’est que le début ça. Tempéra Lilith. Maintenant on va pouvoir augmenter le niveau !

Raziel fit disparaitre les sphères et attendit la suite de la leçon. Qu’avait bien pu préparer Lilith ? La connaissant, ça risquait d’être de plus en plus difficile et elle prendrait un malin plaisir à le faire en plus.

— On va continuer avec deux choses simples et une autre un peu plus compliqué. Premièrement, la création d’une dague, ensuite celle de deux épées courtes et enfin un peu plus compliquer, des couteaux de lancer.
— Et en quoi c’est plus compliqué tout ça ? Demanda le Balafré.
— La concentration de magie, la taille, la forme et garder le tout dans une même forme c’est ça qui va être compliqué avec une magie aussi volatile que la tienne. Ça serait même surement impossible sans ta chevalière et son enchantement.
— Ah ouais, pas faux. Donc faudrait que je me concentre sur ça pour créer ces cure-dents ?
— En gros, oui. Maintenant, au boulot ! Lança Lilith sur un ton plus sévère.
— Ouais, ouais. Pas besoin de me prendre pour un gamin.

Il devait donc créer cette dague en plusieurs étapes, d’abord une coque permettant de contenir sa magie, ensuite l’insuffler à l’intérieur et enfin contrôler ce flux pour garder une taille constante de la dague. Raziel ferma l’œil pour se concentrer et en premier lieu, imagina une dague. Elle était simple, sans fioriture avec un simple tranchant et effilée comme un rasoir. Il desserra le poing droit, juste assez pour qu’une garde s’y trouve, et petit à petit détaillât cette dague et fit passer de la magie dans son bras droit. Le tour de l’arme, encore un peu de magie, le contenu de l’arme et enfin le plus difficile. Garder la forme de l’arme.

— Bravo ! Dit Lilith. T’as fait un truc tout pourri !

Raziel ouvrit son œil valide et regarda le résultat dans sa main. Une forme étrange remplaçait la dague qui devait être là. Une sorte de martinet avec plusieurs flagelles de toute taille, certaine bougeait mollement et d’autre fendait l’air avec rage. Le Balafré coupa l’afflux de magie et son étrange création disparut aussitôt.

— C’était quoi cette merde ?
— T’as mis trop de magie dans ta création. Recommence avec moins de puissance magique.

Damoclès grogna un coup devant cet échec et les ordres que son ami lui avait donnés, mais s’exécuta quand même. Mettre moins de magie que la première fois, très bien. Encore une fois, il imagina une dague, la même qu’il y a moins d’une minute et relança de la magie dans son bras, mais cette fois nettement moins.

— Tout à l’heure, tu parlais de cure-dent, mais je ne pensais pas que tu allais en créer un ! Railla Lilith.

Raziel rouvrit l’œil et cette fois, découvrit cette fois une arme blanche… mais d’à peine cinq centimètre de long sur une garde parfaitement ajustée à sa main. Une nouvelle fois, il annula la magie.

— Rha, ça me saoul ! Pesta Damoclès.
— La colère ne va pas t’être utile pour t’entrainer. Souffla la Reine de Glace.
— Ouais, mais ça soulage !
— Bref ! Recommence, mais avec plus de magie que la seconde fois et moins que la première.

Il le savait déjà avant que son amie d’enfance ne lui dise, mais elle faisait son rôle d’entraineur à la perfection. Raziel se calma, ferma l’œil et retenta encore une fois la création de dague. Une fois l’image en tête, il relâcha de la magie.

— Et bah voilà, enfin !

Raziel regarda le résultat. Parfait. La dague qu’il avait en tête était maintenant dans sa main. Aussi légère qu’une plume, aussi tranchante qu’un rasoir, un équilibrage idéal. Si elle avait été faite de métal, cette arme aurait couté énormément d’argent et pourrait devenir l’arme que beaucoup de gens voudraient.

— Maintenant que t’as fini de la contempler, fais-la disparaitre et refais pareil une vingtaine de fois. Ordonna Lilith.

Raziel s’exécuta, il savait que le faire plusieurs fois et de plus en plus rapidement permettrait de mieux utiliser ce sort en pleins combats et que la création dure moins d’une seconde. Le Balafré continua encore et encore et une fois son geste satisfaisant autant pour lui que pour son amie.

— Comme tu as la base pour l’épée. Ça ne va pas être difficile pour toi d’en créer une.

Raziel haussa les épaules, elle avait raison, mais on n’était pas sûr de rien. Après tout, le Balafré ne pouvait se servir de la création que depuis deux semaines environ. Il imagina deux épées courtes à double tranchant, avec peu d’ornement, comme la dague et une fois l’image nette dans son esprit, Damoclès lâcha de la magie dans ces mains. Les deux armes se matérialisèrent dans ces mains sans soucis et sans défaut.

— Tu vois ? J’avais raison !
— Ouais, en même temps ce n’était pas difficile de le savoir après avoir réussi juste avant.

— Tu vas arrêter de me contre dire ! Lança Lilith. Maintenant, tu vas faire des couteaux à lancer. La différence avec la dague ou les épées, c’est que cette fois l’objet ne tient plus dans tes mains. Donc tu dois contrôler le flux de magie à l’intérieur directement et faire en sorte qu’il soit constant.
— OK, ça ne va pas être aussi difficile que tu le dis.
— Que tu crois … Murmura la Reine de Glace.

Raziel se concentra de nouveau pour imaginer un couteau de lancer, plus petit qu’une dague, léger et avec un bon équilibre. Il apparut dans sa main gauche sans problème et il était comme dans son esprit. En fanfaronnant un peu, Damoclès se plaça devant le mannequin en bois à moitié calciné, arma son bras et lança le couteau… Qui s’évanouit à peine quelques centimètres plus loin.

— Jolie. Dit Lilith en applaudissant. Ça, c’était du lancer !
— Ouais ça va hein ! J’ai mal géré le flux de magie dedans et c’est tout ! Bougonna le Balafré.

Damoclès se concentra de nouveau et un autre couteau de lancer apparut dans sa main gauche, mais cette fois, il ne le lança pas tout de suite. Raziel tentait de sentir le flux de magie dans sa création, il était instable et aurait eu le même résultat que le précédent. Le Balafré essaya de le drainer un peu pour que le couteau puisse enfin quitter sa main. Une fois satisfait de la magie à l’intérieur, il arma son bras et lança le couteau qui se ficha dans le mannequin de combat.

— Bravo ! Plus rapidement que je l’imaginais. On va pouvoir commencer les objets plus gros, voir même les créations animées ! Dit Lilith.